Guilde du Masque
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(SCENE 16) Le dernier rêve d'Aérendil.

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Message  Eryka Jeu 31 Mar - 13:25

"N'oublie pas. Nous ne faisons plus qu'un maintenant."

Un bruit sourd et mécanique retentit, résonnant contre les parois de fer et d'acier. La gorge d'Eryka se serra un bref instant, l'empechant d'avaler sa salive correctement, nouant son estomac. Tsadkiel lui sera la main pour la réconforter, sentant la tension qui allourdissait ses muscles.

"Comme les deux parties d'une épée. Je serais la garde, c'est moi qui te guiderais. Et tu seras la lame, fine et acérée. Tu porteras l'assaut. D'accord ?"

L'elfe hocha la tête, prenant son élan. Le bruit se rapprochait petit à petit, dans un grondement crescendo, entrecoupé de son plus brut et sec. Tout au bout du tunnel, ils guettaient la chose qui allait brusquement surgir.

"Tu es prête ? Il arrive..."

Eryka jeta un dernier coup d'oeil à leurs mains jointes, liées par un ruban de soie rouge. Se caler sur sa respiration, sur les battements de son coeur, comme si ils n'étaient plus qu'un seul esprit et un seul corps.
Une lourde lueur apparut au loin se rapprochant à une vitesse folle, faisant même trembler les murs en un rugissement assourdissant. Eryka sentit alors le déclic. Ils se mirent à courir d'une seule et même foulée droit sur lui et au dernier moment, alors que leur pas touchaient le rebord d'un gouffre, ils bondirent ensemble... mais un instant trop tard.

Le lien se déchira. Tsadkiel se rattrapa de justesse aux barres de métal du tram tandis que sa compagne et élève pour l'heure chutait entre deux wagons. Elle eut de justesse le temps de s'affaler face contre terre que la suite de l'engin mécanique glissa au dessus de sa tête.
Un léger rire s'échappa de ses lèvres alors qu'une pensée raisonna à travers la luciole.

"Eryka ? Ca va ?"

"Oui ! Je reviens !

Elle remonta alors en courant le tunnel du tram en direction de Forgefer jusqu'à trouver un accès qui permettait de rejoindre les quais. Peu avant de s'engager dans les entrailles de la terre, Eryka s'immobilisa en plissant les yeux. Bloquant sa respiration, elle sentit quelque chose vibrer dans sa tête, la protestation de son instinct qui lui commandait un acte qu'elle ne comprennait pas. Elle fit trois pas en arrière, le regard dérivant sur le sol où gisait la gazette du jour abandonnée comme un déchet. Elle s'en emparra, portée par la même pulsion et plongea son interet sur le gros titre.

Au bout de quelques minutes, s'impatientant, Tsadkiel l'interpella à nouveau à travers la luciole, sans recevoir une seule réponse. L'elfe décida de partir à sa rencontre, la retrouvant sur les quais de Forgefer, les yeux rivés sur le journal.

"Pourquoi tu ne répond pas ?"

Toujours aussi aphatique, il se pencha alors au dessus de son épaule et lu à sa suite.

Un elfe errant dans les rues de Forgefer en hurlant le nom d'Eryka, un doigt sectionné entouré d'une alliance dans ses affaires...

Elle expliqua à son compagnon l'histoire. Toute l'histoire. Dans sa plus stricte vérité. De ce qu'elle avait fait. Des actes irréfléchis conduit sous la pulsion de la vengeance.

"Et l'elfe... Sa nouvelle femme, où est elle ?"

Elle grimaça.

"Droguée et abandonné dans les quartiers louches d'Hurlevent en pleine nuit. La Valhalle n'a pas du leur laisser beaucoup de choix... Je dois retrouver Aérendil."

"Non. On va la retrouver elle d'abord !"

Il empoigna sa main d'autorité et la força à monter dans le tram vers Hurlevent tandis qu'elle protestait.

"Elle doit être morte à l'heure qu'il est. Ca remonte à plus de deux mois !"

Mais il ne l'écoutait plus, l'entrainant de force. La lumière du jour qui se dégageait du bout de l'accès au tram arracha un soupir à Eryka. Et puis, une silouhette apparut, étrangement familière.

S'immobilisant, interdite, elle receptionna dans ses bras un elfe pleurant, gémissant son nom, mais surtout, suant de tous les pores de sa peau, du sang.

Son mari l'étreignait, avec l'energie du désespoir et elle ne sut plus que dire ni que faire...
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(SCENE 16) Le dernier rêve d'Aérendil. Empty Re: (SCENE 16) Le dernier rêve d'Aérendil.

Message  Tsadkiel Jeu 31 Mar - 16:52

Voici donc le fameux Aerendil, le premier elfe qui a partagé sa vie, cette loque d'une saleté repoussante, hantée par la peur, ce druide misérable portant comme une amulette la phalange de sa conjointe, cette carcasse pathétique qui n'a rien trouvé de mieux que traverser le monde dans son état déjà précaire pour venir ramper devant la mère de son enfant. La folie semble avoir consumé toute dignité chez ce kaldoreï.

Il vomit sa bile sur Eryka, ses malheurs, sa haine et son désespoir : la disparition de sa fiancée, de sa fille, son isolement, sa vie qui part en lambeaux, le destin qui s'acharne de tout son cœur contre les plus misérables. Nous apprenons quelques bribes de son histoire récente. Privé de tout ce qui comptait pour lui, il s'est souvenu de la jeune mère dont il s'était détourné voilà des années. C'est cramponné à cet ultime souvenir d'une félicité emportée par le cours des événements qu'il a dû prendre un navire pour les Royaumes de l'Est, jusqu'à échouer en piteux état aux Portes de Forgefer, où il n'a rien trouvé de mieux que de perdre tout à fait la raison. Chassé par la garde autochtone, réduit à hanter le long tunnel gris froid du tramway, éclairé par le halo pâle des flammes artificielles du conduit souterrain, fuyant sans doute les regards inévitablement effrayés ou écœurés des passants qui auraient cherché à deviner si une forme de vie habitait encore ces lambeaux de tissu et de chair qu'on eut dit plus soudés que par la crasse.

S'il est vraiment des forces qui gouvernent le destin, celles-ci ont du le prendre en pitié en lui offrant cette opportunité de quitter dignement la vie à laquelle il avait manifestement renoncé. Mais nous n'avons pourtant droit qu'à des supplications et des malédictions. Savoir sa fille en vie n'aura pas fait perdre un pouce à la folie qui le gouverne.

Il expire, enfin, alors que j'étais parti quérir quelque assistance miséricordieuse à la Cathédrale de Hurlevent. Il ne nous laissera, en guise de cadeaux d'adieux, qu'une petite flûte, et sa carcasse qui, nous l'apprendrons un peu plus tard, était irriguée par autant de poison que de sang.

Pauvre bougre.

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