(SCENE 3) Une visite au théâtre des faiseurs...

Durant tout le trajet, le Spectateur avait gardé ses yeux braqués sur Lou. Depuis le premier jour où elle avait hérité de sa charge, il n'avait plus quitté la rouquine du regard. Le soir, avant qu'elle ne s'endorme, les grands yeux peins restaient braqués sur elle, du fond de la chambre. Au matin, elle le retrouvait assis près de son visage, immobile.
Un regard insistant.
Indéchiffrable.
Presque... oppressant.
Que signifiait donc cette étrange insistance... ?

Pourtant, alors que les montures volantes bravaient le sifflement de la neige à l'approche du Théâtre des Faiseurs, la petite tête du spectateur avait enfin changé de direction et une certaine excitation semblait s'être emparée de lui. Une fois sur les lieux, l'étrange pantin avait sauté de la monture pour ensuite hésiter, avant de faire enfin quelques pas. Ces gestes saccadés semblaient trahir un comportement troublé.

S'il avait pu, le spectateur aurait écarquillé encore plus ses grands yeux à l'approche de l'édifice montagnard de Norfendre. Car autre pars, le Masque avait faillit s'étrangler en découvrant la destination où l'amenaient les deux Acolytes. Une colère sourde était montée en lui. Comment les deux humains avaient-ils pu avoir connaissance de ce lieu ? Il n'avait pourtant rien révélé ! Ni même aux Séides...! Quelqu'un avait dû rompre le pacte du secret et faire des recherches. Les membres du Masque semblaient commencer à se poser des questions.
Le Masque connaissait bien cet endroit. Il n'avait pas tellement changé malgré les siècles écoulés. Jamais il n'aurait cru le retrouver en de pareilles circonstances. Mais qui donc avait découvert son existence ? Il finirait bien par découvrir de qui il s'agissait... Et ce "quelqu'un" allait l'entendre. Il avait d'ors et déjà une petite idée sur l'identité du coupable.

Le spectateur sauta de l'épaule de Lou pour visiter les lieux, pas à pas. Il parcouru la piste centrale circulaire et s'arrêta 22 fois. Puis, il couru au centre, répétant une étrange figure qui aurait pu rappeler aux plus perspicaces, le parcoure d'un jeu de la marelle. Enfin, il se retourna vers un des nombreux pilier de pierre. Au sommet, se trouvait accroché un immense bouclier devant deux haches croisées. En tout, quatre piliers de l'endroit portaient ces mêmes parures. Le Spectateur se plaça aux pieds de l'un d'eux, les bras pendants, comme hypnotisé. Un long moment passa avant qu'il se produise quelque chose. Un long rayon lumineux jaillit soudain du bouclier et vint frapper les yeux du Spectateur, le plongeant sous une lueur aveuglante. Son petit corps se mit à trembler comme l'aurait fait le tissu d'un drapeau sous la tempête. Puis le rayon disparu brutalement et le Spectateur s'effondra, désarticulé et inerte, sur le sol glacé du théâtre.

Sur le bouclier, venait d'apparaitre un dessin : deux grands yeux écarquillés sur le monde...